La première finalité du culte catholique est la louange, c’est-à-dire l’adoration de Dieu. Cette adoration se réalise à travers la liturgie, source et sommet de la vie chrétienne, et de manière particulière, dans l’acte suprême du culte, l’eucharistie.
En instituant l’eucharistie au soir du Jeudi saint, le Christ a laissé comme testament suprême le sacrement de son amour pour tous les hommes, réalisé par le sacrifice de la Croix. L’eucharistie est le renouvellement et l’actualisation de ce sacrifice et offre aux baptisés le Corps et le Sang de Jésus comme nourriture céleste, pour renforcer notre vie spirituelle et unir toujours plus profondément notre âme à notre Seigneur et Sauveur.
Mais la célébration de cet admirable sacrement ne se limite pas à la messe. Si Jésus, le Verbe incarné, l’Homme-Dieu, se donne à nous en nourriture, il s’offre aussi à notre adoration. Une fois le tabernacle fermé, Jésus ne disparaît pas. De plus, notre devoir d’adoration – car le chrétien est d’abord un homme d’adoration – ne se cantonne pas à la célébration dominicale.
C’est pourquoi l’Église a encouragé l’adoration du Saint-Sacrement en dehors de la messe, par le biais d’une liturgie spécifique (exposition, salut et bénédiction), face aux négateurs du dogme de la transsubstantiation. Au XIIIe siècle, fut instituée à Liège la Fête-Dieu, à la suite des prières de sainte Julienne de Cornillon. En 1264, cette solennité fut introduite au calendrier universel par le pape Urbain IV. Le grand théologien, saint Thomas d’Aquin, composa les admirables pièces grégoriennes que nous pouvons toujours entendre, plus de sept siècles après. La Fête-Dieu a fortement ancré la dévotion eucharistique au sein du peuple chrétien.
Cette belle pratique de l’adoration du Saint-Sacrement, souvent oubliée à la suite du tourbillon des années 1960-70, a retrouvé un peu partout sa place, fortement encouragée par saint Jean-Paul II et Benoît XVI.
Pour mieux pénétrer l’importance de cette dévotion dans notre vie spirituelle, et encourager chacun d’entre nous à vivre une pratique régulière de l’adoration, bien nécessaire dans ce monde tiède, bruyant et matérialiste, laissons la parole à Benoît XVI.
L’adoration eucharistique est un remède face au tourbillon de notre époque : « Adorer le Dieu de Jésus-Christ, qui s’est fait pain rompu par amour, est le remède le plus valable et radical contre les idolâtries d’hier et d’aujourd’hui. » Pourquoi ? Parce que « celui qui s’incline devant Jésus ne peut et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir terrestre, aussi fort soit-il. » L’acte d’adoration est l’acte le plus fort qui soit et manifeste toute notre soumission amoureuse à Dieu, Créateur et maître de toutes choses. À travers l’adoration eucharistique, l’âme « continue à se nourrir ; elle se nourrit d’amour, de vérité, de paix ». Le pape précisait aussi qu’il ne faut pas séparer la messe de l’adoration, sinon notre vie spirituelle risque d’être menacée : « En effet, si l’on concentre tout le rapport avec Jésus Eucharistie dans le seul moment de la Sainte Messe, on risque de vider de sa présence le reste du temps et de l’espace existentiels. Et ainsi, l’on perçoit moins le sens de la présence constante de Jésus au milieu de nous et avec nous, une présence concrète, proche […] » La présence réelle du Seigneur dépasse le temps et l’espace. À nous toutefois d’aller à sa rencontre sans nous limiter – par paresse ou par manque de dévotion – au seul devoir dominical ! De même, l’adoration nous prépare à assister avec plus de ferveur à la messe, en nous mettant silencieusement en présence du Seigneur : « Il est évident pour tous que ces moments de veillée eucharistique préparent la célébration de la Messe, préparent les cœurs à la rencontre, si bien qu’elle en devient, elle aussi, plus féconde. Être tous en silence de façon prolongée devant le Seigneur présent dans son Sacrement, est l’une des expériences les plus authentiques » de notre appartenance à l’Église.
Apprendre l’adoration, c’est donc apprendre à se tenir en présence du Seigneur, à offrir sa vie, son intelligence et sa volonté à notre Créateur, à s’agenouiller en silence en fuyant le brouhaha de ce monde, pour « recharger nos batteries » spirituelles et être ainsi capable de vivre notre vocation chrétienne au quotidien, et pas seulement le dimanche. Et s’il peut arriver que les cérémonies d’adoration soient rares ou trop lointaines géographiquement, il suffit de nous arrêter dans une église lorsque nous voyons la porte ouverte et de nous recueillir, ne serait-ce que quelques instants – nous avons toujours trop de temps à perdre ! – pour offrir nos hommages au Seigneur et lui parler tout simplement, comme un enfant parle à son père, avec un cœur silencieux, paisible et rempli d’amour. Et si les mots nous manquent, si notre esprit est distrait, si nous avons l’impression de perdre notre temps ou de nous ennuyer, rappelons-nous que Jésus ne s’est pas ennuyé sur la croix quand il est mort d’amour pour nous ! « Voici ce Cœur qui a tant aimé les hommes, et pour prix de mon amour, je ne reçois d’eux que des ingratitudes et des outrages ! » Méditons cette parole de Jésus à sainte Marguerite-Marie Alacoque.
Combien d’églises sont abandonnées par les hommes, et parfois même par les prêtres ! Le Seigneur au tabernacle attend que nous venions le voir. Il nous a tout donné en s’offrant pour nos péchés. Comment se fait-il que nous le laissions seul ? Approchons donc du tabernacle avec ce cœur brûlant des disciples d’Emmaüs. Convions nos proches, et surtout les plus jeunes, à cette rencontre merveilleuse. Mobilisons-nous pour demander à nos prêtres de nous offrir régulièrement ce trésor de l’adoration eucharistique. Et que notre adoration, acte de foi, d’espérance et de charité, soit aussi une adoration de réparation pour nos péchés et les péchés du monde, surtout en cette époque où la haine de Dieu ne le cède en rien au mépris et à l’oubli des choses saintes. Rappelons-nous que le diable déteste la sainte eucharistie. En devenant des hommes et des femmes d’adoration, auprès du Saint-Sacrement, nous nous munissons d’une armure puissante face à ses attaques et ses menaces.
-
Benoît XVI, Homélie pour la Fête-Dieu (22 mai 2008)
-
Benoît XVI, Homélie pour la Fête-Dieu (7 juin 2012)
par Caj A. Jørgensen