Au XIIIème siècle à Douai, le Ciel répond à une hérésie grandissante, niant la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie. Un témoin oculaire, Thomas de Cantimpré, religieux dominicain, évêque suffragant de Cambrai, raconte dans son ouvrage « De Apibus bonum universale » :
Au temps de Pâques, dit-il, un prêtre qui venait de donner la Sainte Communion au peuple dans l’église des Chanoines de Saint Amé, vit avec effroi qu’une Hostie se trouvait sur le sol. Il se mit à genoux et voulut recueillir le corps de Jésus-Christ, mais aussitôt d’elle-même, l’Hostie s’éleva en l’air et alla se placer sur le purificatoire. Le prêtre pousse un cri, il appelle les chanoines ; et ceux-ci, accourus à sa voix, aperçoivent sur le linge sacré un Corps plein de vie sous la forme d’un charmant Enfant. On convoque le peuple ; il est admis à contempler le prodige et tous les assistants, sans distinction, jouissent de cette vision céleste. Averti de cet évènement par le bruit qui s’en répandit bientôt, je me rendis à Douai. Arrivé chez le doyen de Saint Amé, Thomas Pikète, dont j’étais très particulièrement connu, je le priai de me faire voir le miracle. Il y consent et donne ses ordres pour me satisfaire. On ouvre le Ciboire ; le peuple accourt, et peu après que le Ciboire fut ouvert, chacun de s’écrier : « Le voici, je Le vois ! Le voici ! Je vois mon sauveur ! ». J’étais debout frappé d’étonnement : je ne voyais que la forme d’une Hostie très blanche, et pourtant ma conscience ne me reprochais aucune faute qui pût m’empêcher de voir, comme les autres, le Corps sacré. Mais cette pensée ne m’inquiéta pas longtemps, car bientôt je vis distinctement la face de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la plénitude de l’âge. Sur sa tête était une couronne d’épines et du front coulaient deux gouttes de sang qui descendaient sur chaque joue. A l’instant, je me jette à genoux, et j’adore en pleurant. Quand je me relevai, je n’aperçus plus ni couronne d’épines, ni gouttes de sang, mais je vis une face d’homme, radieuse et éblouissante de beauté, vénérable au-delà de tout ce qui peut s’imaginer. Elle était tournée à droite, en sorte que l’œil droit se voyait à peine. Le nez était long et droit, les sourcils arqués, les yeux très doux et baissés ; une longue chevelure descendait sur les épaules, la barbe, que le fer n’avait point touchée, se recourbait d’elle-même sous le menton, et près de la bouche, qui était très gracieuse, elle s’amincissait. Le front était large, les joues maigres, et la tête ainsi que le cou qui était assez long, s’inclinaient légèrement. Voilà le portrait, et telle était la beauté de cette face très douce. En l’espace d’une heure, on voyait ordinairement le Sauveur sous différentes formes : les uns l’ont vu étendu sur la Croix ; d’autres, comme venant juger les hommes ; d’autres, enfin, et c’est le plus grand nombre, le virent sous la forme d’un Enfant. »
Le miracle arriva le jour même de Pâques. Il dura plusieurs jours, se renouvelant chaque fois que la Sainte Hostie était exposée à découvert ; tous ceux qui entraient dans l’église en étaient témoins mais la transfiguration miraculeuse ne s’opérait pas pour tous de la même forme.
L’hostie miraculeuse, qui reçut les hommages de tant de générations, fut conservée dans la collégiale de saint Amé jusqu’à l’époque de la Révolution. En 1790, l’église fut fermée, et trois ans après elle fut livrée au pillage. On brisa les vases sacrés, et les reliques conservées là depuis près de dix siècles, devinrent la proie des flammes. Des forcenés se ruèrent sur l’autel, brisèrent le tabernacle et ouvrirent la pyxide d’argent qui renfermait l’Hostie du miracle. Mais Dieu ne permit point ce dernier sacrilège : le Ciboire était vide, des mains pieuses avaient sauvé l’Auguste Sacrement.
Cette sainte Hostie fut redécouverte en 1854 dans un petit coffret. Elle était accompagnée d’un petit billet écrit par le chanoine de Saint Amé en 1793, disant « Je certifie que c’est vraiment l’hostie du saint miracle que j’ai soustraite au danger imminent de la profanation en la recueillant. Je l’ai déposé dans ce ciboire et j’ai laissé ce témoignage écrit de ma main pour les fidèles qui la découvriront par la suite.»
Aujourd’hui encore on peut vénérer l’Hostie du Miracle, grand signe de l’Amour de Dieu pour les hommes !